Frédéric Viguier
Facteur d'arcs en Picardie
Archers je vous salue
Quelques éléments de tir instinctif
Préambule
Je n’ai pas ici la prétention de décrire « la Méthode unique et complète du tir instinctif ». Je veux simplement donner quelques conseils (à prendre ou à laisser) qui sont pour la plupart ceux que me donnait Jean-Marie Coche lorsque nous évoquions la technique de tir qu’il avait développée.
Beaucoup des archers qui me contactent sont des archers confirmés, il serait prétentieux de vouloir leur apprendre à tirer. Dans son esprit, le tir instinctif se pratique avec le minimum de contraintes imposé par le respect du milieu et la sécurité d’autrui. Nous n’allons pas commencer par nous enfermer dans une doctrine de gestuelle.
Les quelques lignes qui suivent ont pour but d’aborder quelques points qu’il me semble utile de connaître pour mieux utiliser votre semi-longbow, étant bien entendu que nous avons tous notre « passé d’archer » et que la technique de tir de chacun d’entre nous s’est mise en place au fil des ans avec certainement de très bons résultats.
Avant tout, l’essentiel réside dans le plaisir que nous ressentons à utiliser notre arc en harmonie et à apprécier un beau vol de flèche.
Vise t-on quand on fait du tir instinctif ?
Avant de développer il nous faut faire un peu de sémantique (de comptoir).
Différencions le tir instinctif du tir réflexe
D’après le Petit Larousse un réflexe est : « une réaction très rapide anticipant toute réflexion ». Hormis, peut-être, dans certaines configurations de ball-trap ou autres jeux équivalents je ne vois pas de raison de faire un tir réflexe.
La définition de l’instinct est plus vaste et je ne vais pas trop me fourvoyer, je garde juste : « aptitude, disposition naturelle pour quelque chose, intuition, spontanéité »
Le tir instinctif fait appel à nos dispositions naturelles à évaluer une distance et à visualiser précisément un alignement.
Faire du tir instinctif ne consiste pas, à mes yeux, à tirer dans l’urgence. Cela consiste à utiliser nos sens pour réaliser une visée en prenant le temps de l’analyse (même si ce dernier paraît court vu de l’extérieur).
La technique de visée instinctive nécessite de garder les deux yeux ouverts pour pouvoir élaborer au mieux l’information de distance. Les yeux sont au-dessus de la flèche, le regard doit être focalisé sur la cible à atteindre alors qu’en vision périphérique (donc un peu flou) on voit le corps de la flèche dans sa globalité ce qui nous permet de juger de son orientation dans l’espace.
En quoi la technique de tir doit-elle être adaptée à l’arc ?
Il n’est pas de mon propos de décrire la technique de tir avec un arc classique. Cependant c’est, à mes yeux, un exemple flagrant de l’adaptation de la technique de tir aux caractéristiques particulières d’un arc. Ne citons que la prise en main de l’arc, la méthode d’armement, la décoche.
Revenons à notre arc droit. Énumérons quelques unes des particularités de l’arc droit qui influencent la technique de tir.
Tout d’abord et sauf exception, citons l’absence systématique de viseur. Les conséquences en ont été traitées un peu plus haut (visée deux yeux ouverts obligatoire).
Ne négligeons pas l’épaisseur des branches qui donne une bonne stabilité et offre la possibilité de propulser des flèches lourdes.
Les arcs droits sont, en général, plus puissants que les arcs classiques. Cette augmentation de puissance si l’on passe d’un arc classique à un arc droit n’est pas obligatoire mais elle reste possible puisque le temps de visée est considérablement raccourci comparé aux arcs équipés de viseurs.
Le band de l’arc droit est court il évolue autour de 15cm selon la taille de l’arc, la restitution de l’énergie emmagasinée est linéaire et relativement violente.
Il reste à évoquer la légèreté de l’arc si appréciable en billebaude et en tir sur cible mobile.
Conséquence des caractéristiques citées supra :
La prise de corde
La conception de l’arc impose une prise de corde méditerranéenne, un doigt au-dessus de l’encoche (index) deux doigts en dessous (majeur, annulaire) cela permet d’optimiser le fonctionnement de l’arc. Le « pianotage » sous l’encoche est extrêmement mauvais pour la branche inférieure et perturbe l’équilibre du système arc-archer avant la décoche. De plus, il fait varier l’attitude de la flèche ce qui complique la phase d’analyse avant la décoche.
Important ! Lors de l’armement il faut bien veiller à équilibrer la traction sur les trois doigts en contact avec la corde.
La main d’arc
La main se referme naturellement sur la poignée qui doit être maintenue fermement sans crispation comme pour une raquette de tennis (vous pouvez remplacer « une raquette de tennis » par « un marteau » mais c’est moins drôle). Toute la surface de l’intérieur de la main est en contact avec la poignée.
Le bras d’arc
En position de tir, le band court nous conduit à fléchir le bras d’arc pour ne pas voir la corde venir frapper l’intérieur du coude. La corde, lorsqu’elle vient à toucher le bras en fin de course, frappe l’avant bras presque au niveau du poignet.
L’armement : « Poussé-tiré » (gestuelle développée par Jean-Marie Coche)
À l’armement, le band court et la puissance de l’arc justifient le « poussé-tiré ».
Au départ du geste l’arc est perpendiculaire à la ligne archer-cible la pointe de flèche est dirigée vers le sol.
Le « poussé-tiré » consiste à pousser sur l’arc tout en retenant la corde pendant que la pointe de la flèche décrit une ligne droite des pieds de l’archer vers la cible pendant que la main de corde remonte vers le point d’ancrage. Quand la main d’arc arrive en position de tir, la main de corde doit arriver à l’ancrage (index ou majeur en contact avec la commissure des lèvres recommandé). On peut avoir un léger retard de la main de corde qui permet de mieux se concentrer sur l’ancrage après que la main d’arc soit montée « en cible ».
N.B. Cette méthode d’armement qui a l’avantage de permettre de tirer de plus fortes puissances favorise surtout un effort symétrique, vous évitant ainsi les contractures musculaires à l’épaule et au cou ainsi que d’autres petites douleurs.
Rythme de la gestuelle
On peut décomposer le tir en trois phases distinctes :
1 armement - ancrage,
2 visée - ajustement,
3 décoche – maintien de l’arc en cible.
L’armement doit être rapide car cela facilite l’utilisation d’arcs puissants. Mais attention, il faut que le geste soit bien maîtrisé de façon à ce que la main d’arc s’arrête bien stabilisée dans la bonne position. C'est-à-dire la position qui donne à la flèche la bonne orientation (dans l’espace) vers la cible. Ensuite vient le temps de l’analyse, des corrections éventuelles et enfin la décoche.
La maîtrise de ce rythme est, à mes yeux, un point clé du tir instinctif car il y a une rupture dans la cadence et dans la tonicité. On passe instantanément d’une gestuelle très dynamique et de grande amplitude à un temps d’analyse et d’ajustements infimes dans un esprit de « retour au calme ». Cela devient une difficulté lorsque que l’arc est puissant, car la phase «d’ajustements infimes » est rendue plus délicate puisque l’on fait un gros effort pour maintenir la position (imaginez le chirurgien avec un bistouri de 10kg).
Décoche, départ du coup
La faible masse de l’arc nécessite une décoche relativement statique pour ne pas augmenter la réaction mécanique de l’arc lorsque la corde est libérée. La légère flexion du bras d’arc absorbe cette réaction mécanique de l’arc préservant ainsi sa stabilité, pourvu qu’on le maintienne fermement en cible après la décoche.
Remarque : la légère flexion du bras d’arc a également l’avantage de ménager l’articulation du coude lors de l’armement et lors du départ de la flèche.
Très important (à mes yeux)
L’archer qui débute le tir instinctif se préoccupe souvent trop de la visée instinctive (comment viser où va arriver ma flèche ?) alors que la bonne visée viendra naturellement au fil des volées.
Dans la phase d’apprentissage je pense qu’il faut avant tout se concentrer sur :
- l’apprentissage du geste d’armement (fluidité),
- la prise de corde avec une répartition équilibrée de l’effort de traction des doigts sur la corde,
- l’ancrage, la décoche.
Le travail sur ces derniers points vous donnera une bonne régularité et facilitera grandement la mise en place naturelle de la bonne visée.
Nous avons fait le tour des quelques points que je voulais aborder. Il y a bien d’autres aspects à travailler tels que : la concentration, la respiration, l’analyse des défauts…etc. Mais ce ne sont des sujets ni spécifiques à l’arc droit ni au tir instinctif.
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