Frédéric Viguier
Facteur d'arcs en Picardie
Archers je vous salue
Les différentes étapes de la fabrication d'un arc
Une petite fille et son frère contemplaient quelques uns de mes arcs lors d’une exposition.
La petite fille s’adressant à son frère
- « regarde ce sont des arcs droits, tu sais les arcs droits ce sont les plus difficiles à fabriquer »
Puis, après un court silence,
- « les arcs gauches c’est plus facile »
Dans cette rubrique vous trouverez quelques éléments qui vous aideront à mieux comprendre le processus de fabrication d’un arc sur mesure qui me demande entre quarante et soixante heures de travail
Première étape : la demande
Tout d’abord il me faut cerner les attentes de l’archer, connaître sa morphologie, son niveau technique et la puissance qu’il veut développer à son allonge. Ceci me permettra de faire une proposition satisfaisante.
Deuxième étape : les calculs
Détermination de la taille de l’arc et de la géométrie des âmes, de leur nombre et du positionnement des différentes essences de bois dans les branches de l’arc. Il faut prendre en compte les qualités mécaniques des essences, l’orientation du fil du bois. J’établis alors une fiche de travail qui décrit précisément l’architecture de l’arc, elle me guidera ensuite dans mon travail.
Lors des étapes suivantes j’enrichis cette fiche de mes notes et je la conserve précieusement car elle devient un élément d’expérience supplémentaire. (Je relis régulièrement mes notes).
Troisième étape : fabrication de l’ébauche de poignée
Je me plais à la comparer à une clé de voûte, c’est le cœur de l’arc, elle reçoit la poussée du bras d’arc, elle est le point de divergence des forces de flexion sur le dos de l’arc, de mêm
e elle reçoit les pressions subies par le ventre de l’arc. Après la décoche c’est elle encore qui « encaissera » le choc du départ et absorbera l’énergie résiduelle qui n’aura pas été transmise à la flèche. La densité du bois et la forme de la poignée ont une grande importance pour le fonctionnement de l’arc et le confort de tir. L’esthétique doit également avoir sa place.
L’ébauche de la poignée est tracée à l’aide d’un gabarit qui sera choisi en fonction de la morphologie de l’archer et du positionnement des âmes. Viendra ensuite le sciage puis le ponçage des courbes sur lesquelles seront placés les retours de branches. Une bonne qualité de surface est indispensable pour que le collage puisse être réalisé dans de bonnes conditions. Une mauvaise conformation de cette pièce maîtresse peut conduire à un voilage de l’arc.
Il faut de plus que les fondus soient extrêmement affinés non seulement pour une belle esthétique mais également pour une meilleure résistance de l’arc.
Quatrième étape : réalisation des âmes
C’est du bon déroulement de cette phase que dépendra l’obtention de la puissance désirée et la souplesse des branches. Chaque âme doit être finement ajustée dans ses dimensions, longueur largeur, épaisseur et pentes.
Cinquième étape : collage, étuvage
C’est un moment très délicat, il faut réussir un montage de 12 à 14 pièces copieusement enduites de colle sur un gabarit convexe avec pas moins de 30 pièces de serrage, le tout dans un délai limité par le temps de prise de la colle.
Le passage à l’étuve est un moment de répit mais il a son importance, puisque la polymérisation de la colle ne sera correcte que si l’on maintient la température préconisée pendant la durée prescrite. La longévité de votre arc dépendra en très grande partie de la réussite du collage.
Sixième étape : traçage et sciage de l’ébauche
Après avoir déterminé très précisément un axe de symétrie je trace une première ébauche de l’arc. Il faudra ensuite dégrossir à l’aide d’une scie à ruban puis faire l’équerrage des branches sur une ponceuse à bande de grandes dimensions.
Septième étape : traçage et façonnage des branches
Le traçage recto verso de l’arc doit être extrêmement méticuleux et respecter scrupuleusement la symétrie de l’arc. Ensuite viendra le façonnage des branches. Tout se fait manuellement en utilisant des limes et des râpes. Il faut travailler en symétrie sur les deux branches et contrôler très souvent l’alignement de ces dernières, vérifier les tillers et la forme de l’arc lorsqu’il est armé sur un banc d’essais. Au fur et à mesure que l’on enlève de la matière et que l’arc s’affine on approche de la puissance désirée. Pour cela il est nécessaire de reprendre le traçage à deux ou trois reprises de façon à atteindre la puissance tout en conservant la symétrie de l’arc et son équilibre général.
Huitième étape : façonnage de la poignée
Le façonnage de la poignée comprend celui de la fenêtre. La géométrie de la fenêtre doit être soignée pour permettre une sortie de flèche fluide. Une fenêtre trop profonde fragiliserait l’arc. Une poignée « un peu massive » participe au bon fonctionnement de l’arc et au confort de tir mais elle doit assurer une prise confortable avec une bonne surface de contact avec la main.
Neuvième étape : façonnage des poupées
Les poupées doivent permettre un bon maintient de la corde, leur géométrie participe au bon fonctionnement de l’arc. Leur forme affinée contribue à une meilleure vitesse de branche à la décoche. L’esthétique a également son importance. Lorsque je travaille sur les poupées d’un arc je me sens un peu pousser des ailes de sculpteur.
Dixième étape : essais
À ce stade je tire quelques flèches pour vérifier le bon fonctionnement de l’arc. La phase de finition me laisse encore une marge de correction éventuelle..
Onzième étape : finition
Un polissage s’impose avant de vernir. Il faut que l’arc devienne très doux au toucher de façon à exprimer toute la sensualité du bel objet aux courbes délicates. Le bois de poignée révèle maintenant toute sa beauté. J’utilise un vernis « marine » bi composants de grande qualité pour protéger l’arc. Toutefois j’évite de mettre trop de couches pour que le bois puisse « respirer ». Ensuite je pose un beau cuir sur la poignée, il rend la prise en main très agréable et aide à l’absorption du choc de départ de flèche.
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